Parmi les spectaculaires émanations de l’intelligence humaine, il y a le langage, l’ultime fonction qui vient nous doter de puissance à intimider le despotisme de ce qui recèle quelque importance et pourtant non prononcé, à peine imaginé... Elle nous libère en associant à chaque objet concept, quand bien même abstrait, un mot, un pointeur, une éternelle référence.
Surjectivité oblige, si de fonction s’agit il, il existe bien une
drôle de situation: Si infini est l’étendu vécu et spéculé, espace idée et
émotion .., l’être curieux ne croiserait il pas un jour un objet psychique ou
matériel jusqu’à lors inédit ?, ne vibrerait il pas un moment stimulé par une
onde émotionnelle hors spectre ? Comment s’exprimerait-il ? Il
Ruminerait sur le périmé de langage ? Ou bien il répondrait bravement au
devoir de créer un nouveau mot, portant en sa morphologie, musique goût et
teint ce qui suggérerait son sens à un humain non témoin à l'heure de
naissance ?
.Voici des milliers d’années avant dans une ère où le
patrimoine linguistique ne contenait encore que quelques mots, les tous
premiers les plus vieux…, il se passa qu’un brave jeune homme descendait
chaque jour la rivière pour remplir le puits de l’eau propre à toute la
commune, les gens devant le geste adorable ne faisaient trop au-delà de
contempler le bonhomme les yeux doux, sans moyen, débiteurs et accablés de
reconnaissance.., jusqu’au matin où l’un deux, au comble de l’émotion manifesta
un génie .., se dirigea résolu vers lui et fit sortir de sa bouche une
merveilleuse invention : « Merci !» …Les autres fascinés et joyeux fixèrent aimablement le nouvel
héros : «Merci d’avoir inventé « Merci » » !
Encore soient bénis les inventeurs de toutes gammes.., combien
d’ordre et de soulagement récupère le mot « tricheur !» hurlé à la
figure d’un tricheur, ‘menteur’ à un menteur, la série est longue mais non
encore exhaustive …
…Soit maintenant un jeune couple de mariés, gentils et
aimables toujours l’un à l’autre, bien que le crédit d’amour soit tel qu’on
n’arrive moins à supporter les petits dérapages. Voici l’épouse qui n’en peut
plus de quelque chose qu’elle n’arrive même pas à nommer, surprend le mari avec
un visage qui grinche et des sourcils qui se pincent : ‘mais veux tu
arrêter ça s’il te plaît ?!’, il ne comprit absolument rien et ne sût que
faire de ce drôle de « ça », elle déjà désespérée, se sauva …,
«folle» à la lecture d’un novice et excité, « irritée » à
l’interprétation d’un homme sage et patient… le premier invoquerait déjà
quelques vielles spéculations maternelles : « Ô mon Dieu voici
exaucées les mauvaises prophéties de maman, l’une après l’autre … ».
La scène se répéta non pas deux, trois, mais plusieurs fois
jusqu’à ce qu’au comble de l’irritation le génie féminin prît ainsi une
relève : « arrête de … je ne sais... arrête de *pataguer*! »
Pataguer ?! Oui, pataguer...ce mot hors coutume força le
cerveau masculin à liquider les anciennes procédures. L’esprit, conscient et
inconscient main dans la main, les lobes gauche et droit côte à côte, les
synapses débordants de trafic, prirent un vif élan et déclenchèrent une
symphonie de calculs, corrélations, dé-corrélations, projections, estimations …
jusqu’à ce qu’à un moment de crescendo, la note qui fausse fut enfin
distinguée ! Le gentilhomme illuminé, ne s’excusa pas, n’offrit
aucune fleur de réconciliation, il fit bien mieux, il arrêta de pataguer !
… Dans la suite de l’histoire, l’épouse forte de ce dénouement et
exaltée par l’effet : « it works ! » abusa de la
méthode. L’époux alors sculpta un « ultravaguer » sur mesure,
rétablit ordre, justice et bon climat (le sage et patient).
… N’existent-ils pas des mœurs encore sans noms ?Peut être
sont ils bien légion ! Des qualités que nous ratons la sympathie de louer et de
prospérer, aussi bien que de mauvaises habitudes que nous manquons l’occasion
d’arrêter où de nous en débarrasser …
Nous autres humains qui expérimentent et observent la
vie, chacun depuis sa fenêtre, depuis son profond chez soi, chacun est situé
à telle précise position pour regarder une chose que nul ne peut
distinguer à pareille clarté, Combien riche et efficace deviendrait le langage
si chacun saurait combien il est capable d'y laisser une originale trace !
Il est devoir de chacun de nous d’inventer un nouveau mot, au moins un, au moins une fois, et voici mon appel !
Il est devoir de chacun de nous d’inventer un nouveau mot, au moins un, au moins une fois, et voici mon appel !
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